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ECTS 1998 Ubi Soft Enter…inment Press Kit (Europe)
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1998-08-18
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12KB
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342 lines
INTERVIEW d'AGNES HAEGEL - CHEF
DE PROJET SUR D-JUMP
Ubi Soft Entertainment à Paris.
D-Jump, quel intérêt ?
Un mix unique entre de l'action et de
l'aventure ! Pour l'action, des
gameplays très variés : dans la même
map, tu sautes, tu combats des
monstres à la torche, tu fais du ski
nautique, tu te transformes en serpent
et tu rampes, tu nages, tu danses
même…On a voulu éviter le côté
artificiel de la map dans laquelle tu vas
sauter de feuille en feuille jusqu'au
bout.
Et pour l'aventure, un scénario digne de ce nom : une intrigue, des
rebondissements, des trahisons, du
suspens, des émotions… on en est à
60 pages de scénar, sans les
dialogues. Quand tu rencontres un
personnage du jeu, tu dois choisir
l'attitude que tu as envie d'adopter à ce
moment-là (moqueur, paniqué, rusé…) et la suite en dépend : l'aventure que tu
vas vivre avec D est unique à chaque
fois !
Dans chaque lieu que tu découvres, tu
expérimente aussi bien l'action que
l'aventure. Sur les 60 personnages du
jeu, tu en combats la moitié et tu
discutes avec l'autre moitié (parfois les
2). Finalement, D-Jump c'est un peu un esprit sain dans un corps sain…si
t'arrives à les conserver !
Comme dans tous les jeux réalisés
par Uni Soft,, pas de violence dans
D-Jump. Un jeu d'action-aventure sans
shoot, on va s'ennuyer ? !
Au contraire, il y a plein de modes
d'attaque : explosion des modules du
héros, à la torche, lancer de projectiles, lancer de sorts, attaque sous l'eau…
on n'aime pas la violence, mais on
adore l'action ! Au début du jeu, notre
héros, D, se rend compte que son
corps a été transformé en bois. Ce qui
va le soumettre tout au long de
l'aventure à des dommages multiples
et variés :il va se faire brûler par le feu,
grignoter par les termites, éclater par
trop de soleil dans le désert…il va
souffrir le pauvre ! Tout ça permet au
joueur de vraiment s'investir dans le
personnage et les dangers qu'il court,
sans qu'on ait à en rajouter question
hémoglobine…
on préfère les copeaux !
D-Jump sera un jeu difficile ?
Plut├┤t vaste et riche que difficile, mais
si tu le termines du premier coup on
t'offre ton poids en loukoums !
La philosophie de votre game design ?
Diversité, jouabilité, mise en scène !
Dans l'équipe de game design, on a à
la fois des gens expérimentés dans le
jeu (certains de nos game designers
ont participé au premier Rayman, sur
lequel j'étais déjà aussi chef de projet), d'autres débutent mais ont par contre
une grande sensibilité à la mise en
scène qui leur vient d'études de
cinéma . Le comportement de la
caméra est programmable comme
celui des autres personnages du jeu,
ce qui permet de rechercher une
variété et une interactivité des angles
de vues plus intéressante pour le
joueur.
En alliant tous ces savoir-faire, on
devrait arriver à un résultat
particulièrement riche.
Malgré les contraintes de la 3D temps
réel, vous avez l'ambition d'arriver à
faire un jeu graphiquement original ?
Oui, c'est possible ! D'abord parce que
ces contraintes, quand on les connaît
bien, on arrive à les détourner. Et
surtout parce les graphistes
concepteurs de D-Jump ont , à la base, en 2D, une " patte " graphique
personnelle. Quasiment tous étaient
illustrateurs 2D avant de se mettre à la
3D - d'ailleurs pour mieux opérer ce
passage, Cyrille et Mauro, les
créateurs des personnages, ont
travaillé pendant quelques semaines à modeler des personnages en terre
glaise, pour mieux sentir le volume.
Certains existent maintenant
quasiment tels quels en 3D dans le
jeu.
Un grand nombres d'illustrations en 2D a été réalisé pour la recherche des
ambiances et la création des décors
en 3D.
Sur D-Jump il n'y a pas un seul
créateur du jeu, mais une équipe : tu
viens de parler du graphisme, mais
pour l'ensemble comment ça
fonctionne ?
Une bonne équipe, c'est une équipe où chacun est très fort dans sa spécialité,
mais aussi où chacun a les capacités
de participer et comprendre ce que font les autres métiers. Par exemple, pour
expliciter aux animateurs les
mouvements qu'ils doivent réaliser, on mime les mouvements et on se filme.
Ce sont les membres de l'équipe
française (game designers,
animateurs ou graphistes) qui " jouent
" les différents rôles et reproduisent les animations souhaitées (on ne peut pas le faire avec les personnages de
monstres pas humanoïdes du tout,
mais on l'a fait pour un babouin, c'et
très parlant…) Ca c'est de la
polyvalence…
Elisabeth, la responsable du
game-design de D-Jump a plusieurs
cordes à son arc : elle joueuse
forcenée évidemment, autant sur les
jeux consoles que sur PC (elle dort
avec sa Playstation, et quand on
embauche un nouveau game designer
il doit se mesurer à elle en
death-match àQuake, on le prend si il
reste vivant plus de 3 mn…) . Mais elle
est aussi graphiste de formation, elle
sort des arts-déco.
Quand on a des personnalités fortes
dans l'équipe, c'est bien sûr parfois
difficile de nous accorder sur tout. Par
exemple, une des références favorite
de Stéphane notre scénariste, c'est le
Seigneur des Anneaux (qu'il te récite
par cœur en anglais) et les contes
celtes - et Cyrille notre " lead artist ",
quelque chose qui le fait bien rigoler
c'est un personnage de monstre qui
pète. Parfois ces idéaux sont pas
évidents à concilier…
Stéphane (le scénariste) et moi, on a
souvent des discussions acharnée sur l'auto-censure, on se bagarre sur des
questions existentielles comme "
est-ce que " chiotte " c'est un gros mot
? "… pour finir, on a surtout cherché à
développer pour notre héros un
vocabulaire bien à lui, des expressions imagées et inimitables : on préfère "
par la Sainte Basket ! " plutôt que " p…
m… ".
Avec la pression (les délais, la charge
de travail, les incertitudes, enfin les
affres classiques de la création de jeu), des " pétages de plombs " se
produisent de temps en temps, on
commence à dire des bêtises…
On collectionne ces " perles " dans un
fichier secret (il y a en a plusieurs
pages..) et on le relit ensuite, ça nous
fait bien rire … Je te rassure, il y a plus
de bêtises que d'injures !
Finalement, c'est sur la musique qu'on
s'entend toujours: on s'est fait des
séances d'écoutes de disques pour
déterminer ce dont on avait envie pour
le jeu, et on est tous d'accord : du
groove, du funk qui pulse, du ragga,
de la drum'n'bass, du rap cool…tout ça
va très bien à notre héros !
Le jeu se réalise en collaboration entre Ubi Soft Montreuil et Ubi Soft Chine…
Oui, à Shanghai, 35 personnes
(ingénieurs, animateurs et modeleurs
3D) travaillent sur le projet. La
conception, les plans , le design et les
roughs 2D sont faits ici - nous
sommes environ 20 - et là-bas ils
réalisent une version des maps et des
animations qu'on récupère ensuite en
France et qu'on finalise, en
collaboration entre les graphistes et
les game designers.
Pour travailler avec la Chine, on utilise
les mails Internet, c'est ce qui marche le mieux. Quand on s'envoie des
versions à jour du moteur, ça fait 80
mails d'un coup ! C'est un peu
fastidieux mais c'est toujours plus
rapide que d'envoyer des CD par la
poste…
Régulièrement, des gens de l'équipe
française (game designers et
graphistes) vont en Chine pour
regarder avec eux les maps en cours,
travailler précisément sur les
animations du héros - les plus
délicates, sur les spécificités du
moteur du jeu, et puis manger du
serpent… et des grahistes chinois ou
animateurs viennent aussi en France à certaines périodes importantes, pour
apprendre à finaliser complètement le
travail sur une map, partager nos
techniques précises de travail, manger
des crêpes… Le problème c'est qu'ils
sont tellement excités quand ils
viennent en France qu'ils ont parfois du mal à se concentrer sur le boulot. Ils
trouvent Paris magnifique, ils
photographient tous les chiens qu'ils
voient passer dans la rue (parce qu'à
Shanghaï il n'y a pas beaucoup de
chiens et ils sont tous de la même
race), ils vont marchander aux puces…
C'est parfois drôle, même si la
collaboration est très fructueuse, il y a
parfois de drôles de " fossés culturels " entre la Chine et nous. Dans une map
on a designé des poules qui sous
l'effet de graines magiques se
changent en poules-Village People ou
en poules-Kiss, et elles dansent YMCA
ou bien balancent la tête comme les
hard-rockeux. Et bien ça a été très dur
de leur faire comprendre à quoi on
pensait pour les animations. On a
envoyé des petits bouts de clips de
Kiss par Internet… mais la danse qu'ils ont animée ressemble plutôt à la
danse du thé. C'est rare, mais là on a
du refaire ça en France.
Un projet ambitieux comme D-Jump,
c'est beaucoup de métiers, de gens, de tâches différentes à gérer, il y a
forcément des bons moments et des
moins bons…
Bien s├╗r, par exemple se rendre
compte à l'E3 que quelqu'un d'autre,
sur un autre projet, a eu la même idée " géniale " que toi pour ton jeu.. alors tu y regarde de plus près : si l'idée n'est
pas mise en scène de la même façon,
ou n'est pas bien jouable chez les
autres, tu gardes la tienne, sinon tu en
cherches une meilleure !…
Il faut aussi veiller à rester toujours
ouvert aux avis extérieurs (les gens des autres départements d'Ubi Soft en
premier, et puis les professionnels qui
commencent à voir le jeu, et puis aussi les copains qui passent…) , mais en
même temps arriver à tenir sur
certaines convictions personnelles qui
ne sont pas forcément partagées par
tous… pour arriver à faire un jeu qui
plaise mais qui ne soit pas un
consensus mou !
Un projet long (un an et demi), c'est
aussi un projet qui évolue : par
exemple quand on démarre on a bien
sûr une idée des contraintes
techniques par exemple, mais on ne
les découvre jamais mieux qu'en
expérimentant, et parfois la découverte
de nouvelles contraintes, l'évolution du
moteur (qui est amélioré en
permanence) ou du hardware oblige à
recommencer une partie du boulot.
Mais c'est pour un meilleur résultat !
Le moment vraiment agréable, c'est
quand tu as enfin les éléments
constituants de ton jeu (les animations, les maps, les IA…) et que tu intègres
tout ça pour faire la véritable mise en
scène. Pour D-Jump, on a commencé
cette étape bien 6 mois après le début
de la prod, c'est long d'attendre ! Et tout
d'un coup tu vois se matérialiser ton
jeu un peu plus tous les jours… c'est
chouette !
Un bon souvenir en particulier ?
Ben, 3-0 ! ! !
Non, je veux dire sur le jeu ?
S'être fait remarquer à l'E3 avec une
pré-pré-pré version. Le jour où le
dernier des 25000 mots de dialogue
est écrit et enregistré. La distribution
des sucettes-sifflet tout à l'heure par
Mauro à toute l'équipe. Ce sont des
sucettes-sifflet, je crois que les
équipes voisines s'en souviendront…